
Jérôme Bosch : Le jardin des délices (détail)
Les particularités du chat
Le chat présente un certain nombre de particularités dans son comportement alimentaire, qui le distinguent des autres espèces domestiques, et notamment du chien. On l’a dit et redit dans ces fiches de comportement, mais un chat n’est pas un petit chien.
1 – Il a des besoins protéiques importants, et ne sait pas synthétiser certains acides aminés : la vie du chat sera donc rapidement en danger lors de jeûne prolongé, en particulier chez les animaux obèses.
2 – C’est un prédateur solitaire, qui fait en moyenne douze petits repas par jour : il va se poster dans une des zones de chasse de son territoire, guette une proie (photos ci-dessous), l’attrape, la mange plus ou moins complètement, et va ensuite dormir dans sa zone d’isolement (voir la fiche sur le territoire du chat), avant de recommencer quelques heures plus tard.
Et ça y est, je l’ai eue ! ça valait quand même le coup d’attendre un peu…

On a fait vomir un très délicat chat abyssin qui venait d’ingérer un poison anti-limaces, et voici le contenu de son estomac : au menu : croquettes, débris végétaux et… cigale !

Ben oui, je frôle les 12 kg. So what ?
3 – Il régule mal la quantité d’énergie qu’il ingère : le chat a tendance à surconsommer, et se montre facilement stimulé par l’appétence des aliments, ou par le côté affectif et rituel de la distribution de nourriture par ses maîtres : il aura donc une tendance à l’obésité.
4 – Certains chats aiment goûter ce qui est nouveau, (néophiles), mais la plupart n’aiment pas changer (néophobes). L’empreinte alimentaire (ce que le chaton a mangé dans ses premières semaines de vie), influencera donc durablement les goûts de l’animal. En outre, le chat développe facilement une aversion gustative apprise : si un nouvel aliment lui est proposé dans des conditions stressantes, il y a de fortes chances pour qu’il le refuse par la suite.

Non mais qu’est-ce qui leur prend, à ceux-là, de vouloir me changer mes croquettes ? Les grosses à gauche étaient très bien !
5 – Enfin, contrairement à ce qui se passe chez le chien, il n’y a pas de hiérarchie alimentaire chez le chat.
En matière de comportement alimentaire, comme dans les autres domaines du comportement et de la médecine vétérinaire en général, on peut donc confirmer : le chat n’est pas un petit chien !
Alors, comment je le nourris ?
Tout ce qui suit découle des particularités mentionnées ci-dessus :
– Un chat doit être nourri avec un aliment… pour chat ! Des aliments de mauvaise qualité, ou non adaptés, peuvent être déficients en certains acides aminés et provoquer, par exemple, une cécité ou de graves problèmes cardiaques (carence en taurine). Des croquettes mal adaptées peuvent constituer un facteur favorisant à la formation de calculs urinaires. Un chaton qui ne mange que de la viande reste nain, avec des os extrêmement fragiles qui cassent au moindre choc.
On n’en voit pas beaucoup, heureusement, des comme ça : ce pauvre petit chaton a six mois (!!!), un gros retard de croissance et toutes les pattes tordues. On comprend mieux quand on voit son bassin et ses pattes arrières sur la photo de droite : on a une énorme ostéoporose, avec des os tellement déminéralisés qu’on ne les voit presque plus, une fracture des deux fémurs, ce qu’on devine du bassin est enfoncé avec une filière pelvienne très rétrécie, les vertèbres sont quasiment invisibles… Tout cela étant la conséquence d’un régime « tout viande ».
– Il faut nourrir le chat en plusieurs petits repas par jour, l’idéal étant une distribution en libre-service, à condition que l’animal se régule et n’engloutisse pas tout d’un coup ! il faut aussi que le chat dispose de zones de jeu ou d’excitation correspondant aux zones de chasse, d’aires de repos distinctes des zones où il fait ses besoins, et que tout cela ne soit pas perturbé par l’activité des autres chats de la maison ou des environs.
– Les propriétaires doivent réguler la quantité globale de nourriture de son chat, avec des distributions fréquentes, mais en petites quantités afin d’éviter l’obésité, qui est un facteur prédisposant à de nombreuses maladies félines (diabète, lipidose hépatique). Si le chat a tendance à tout avaler d’un coup, on peut utiliser des croquettes allégées, moins appétentes et contenant beaucoup de fibres.
Un moyen de reproduire un comportement de chasse, de donner de l’activité, et de distribuer la nourriture par petites quantités successives : il existe des jouets dont un exemple est reproduit ci-dessus (il y en a d’autres) : on met les croquettes à l’intérieur du cylindre, avec des ouvertures plus ou moins nombreuses, et Tigrou est obligé de faire rouler le dispositif pour en faire sortir trois croquettes, puis deux autres, etc. Bon, évidemment, il ne faut pas que toute la distribution de nourriture se fasse de cette manière, il doit quand même y avoir quelques vrais repas dans la journée !
– Le chaton doit recevoir une alimentation variée, mais néanmoins proche de ce qu’on lui donnera quand il sera adulte. Si on veut essayer un nouvel aliment, il ne faut pas le donner dans des conditions angoissantes pour le chat : un jour où il n’est pas chez lui, en présence d’étrangers, etc.
– Enfin, comme il n’y a pas de signification sociale des repas, et que ceux-ci ne jouent pas un rôle hiérarchique comme chez le chien, il n’y a pas d’intérêt à nourrir son chat après soi, dans une pièce différente, en respectant un certain rituel, etc.
Et s’il est mal nourri ?
Outre des signes de malnutrition, (amaigrissement…), un chat qui reçoit une alimentation inadaptée peut souffrir de troubles comportementaux :
Les chats adultes qui ne sont pas assez nourris peuvent présenter une anxiété se traduisant par la succion ou l’ingestion de matériaux inhabituels (pica), une inhibition, ou au contraire de l’agitation. Attention, ce cas de figure n’est pas réservé aux chats qu’on laisse crever de faim ! un aliment pauvre en protéines, (aliment pour insuffisant rénal distribué à un chat qui n’en a pas besoin, par exemple), peut conduire au même résultat. La situation est beaucoup plus grave si c’est un chaton qui doit jeûner ainsi, car cela peut provoquer chez lui des anomalies irréversibles du cerveau : les chatons abandonnés, recueillis après l’âge de 4 mois en très mauvais état et présentant un sévère retard comportemental, (malpropreté, défaut de contrôle…), sont souvent difficiles, voire impossibles, à récupérer.
Un mode de distribution inadapté peut aussi poser problème : le chat qui vit enfermé, et qui ne mange qu’une fois par jour, peut présenter le syndrome du tigre : cela se traduit par des agressions sur les propriétaires, notamment au crépuscule ou la nuit, ou lors de la préparation et de la distribution du repas. La mise à disposition de croquettes à volonté, et l’enrichissement de la maison en jouets permettant au chat de simuler la chasse et la capture, permettent généralement de résoudre le problème.
Plus d’infos sur les agressions liées à l’alimentation chez le chat dans la fiche intitulée « Le chat taliban », accessible en suivant ce lien… s’il a déjà été créé ! (Sinon, passer par les menus déroulants).
Mon chat suce la laine !
Certains chats ont la « manie » de sucer la laine, ou la peau des humains. Cela peut avoir une origine génétique, chez les races asiatiques, et notamment les siamois. On rencontre aussi ce comportement chez des chats sevrés très tôt et élevés au biberon : il peut s’agir d’un réflexe de succion persistant, ou d’une manifestation d’hyperattachement du chat à l’humain qui l’a nourri. Parfois, on a tout simplement affaire à un rituel, l’animal ayant remarqué que ses « bisous » amusent les propriétaires et provoquent des caresses, ce qui l’incite évidemment à continuer. Enfin, certains chats souffrant d’un trouble anxieux ou dépressif, trouvent un apaisement dans ce comportement de succion, qui agit alors comme une activité de substitution ; le problème comportemental sera alors à explorer et à traiter.
Son appétit a changé, c’est grave ?
Une baisse d’appétit ne doit pas être négligée chez le chat, sachant qu’avant de penser à un trouble du comportement, il faut tout de même penser à une maladie. Donc à moins d’avoir plein plein plein de signes associés qui orientent prioritairement vers un problème comportemental – et même dans ce cas, en fait – on commence de toute façon par un examen clinique (comme toujours) et, en cas de doute, au minimum un bilan sanguin. Si tout cela est normal et que le contexte oriente quand même bien vers un problème comportemental (par exemple une cohabitation difficile avec d’autres chats, un déménagement récent…), alors on explore dans cette direction. Dans tous les cas, outre le fait qu’elle peut être le premier signe d’une maladie, la baisse d’appétit est à prendre au sérieux car, comme on l’a vu plus haut, les chats supportent mal le jeûne, surtout s’ils sont obèses.
Une boulimie ou un appétit irrégulier peuvent, de la même façon, venir d’une maladie organique (malabsorption intestinale, dysendocrinie = problème hormonal…), ou comportementale. Dans ce dernier cas, d’autres manifestations, (malpropreté, agressions…), sont souvent présentes. Le chat devra alors être vu en consultation afin de déterminer l’origine du trouble, et de pouvoir le traiter.
