
Ben oui, on fait plus glamour, mais voilà à quoi ressemble la progestérone !
C’est quoi, la progestérone ?
Il s’agit d’une hormone sexuelle fabriquée d’abord par les follicules ovariens (= des petites cavités dans l’ovaire, à l’intérieur desquelles un ovocyte se transforme en ovule), puis par le corps jaune (= ce qui reste du follicule une fois que l’ovule en est parti). Son action permet, entre autres, de modifier la muqueuse utérine : l’utérus devient ainsi apte à accueillir l’œuf fécondé, et à lui permettre de se développer durant la gestation. Si la progestérone chute, la gestation ne peut pas se maintenir et il y a avortement.
Rappels sur le cycle de la chienne
La chienne présente un cycle de reproduction de 6 à 7 mois (certaines races, comme le berger allemand ou le rottweiler, étant souvent plus proches de 5 mois, d’autres races plus proches de 12). Durant ce cycle, on distingue 4 phases:
- Le pro-œstrus : c’est le début des chaleurs, marqué par des pertes vulvaires généralement abondantes et hémorragiques… mais qui peuvent aussi être très discrètes chez certaines chiennes. La chienne attire les mâles, sa vulve est gonflée et bien visible… mais elle refuse l’accouplement. Tout cela dure en moyenne 9 jours (entre 3 et 17). Pendant cette période, la progestérone produite par les follicules ovariens reste basse, tandis que le taux d’œstrogènes est élevé (schéma ci-dessous).
- L’œstrus : là, ça y est, on est dans les chaleurs pour de bon : c’est pendant cette phase que se produisent l’ovulation et – éventuellement – la fécondation, possible pendant les 2 à 3 jours qui suivent l’ovulation (c’est important pour la suite). La vulve est toujours gonflée, mais un peu moins, les pertes s’éclaircissent, mais pas toujours, la chienne accepte le mâle, mais seulement s’il lui plaît. Tout cela dure environ 9 jours (de 3 à 21). Côté hormonal, on a un pic de LH (l’hormone lutéinisante qui déclenche l’ovulation), l’œstradiol diminue, et la progestérone augmente progressivement.

Modifications hormonales pendant le cycle de la chienne. D’après : MIR F., FONTBONNE A : Gestion d’une lactation de pseudo-gestation réfractaire aux traitements antilaiteux chez la chienne. La Semaine Vétérinaire n° 334, 01/04/2013.
- Le metoestrus (ou diœstrus) : les ovules sont partis, restent les corps jaunes : le métœstrus correspond à leur durée de vie, soit environ 2 mois. La concentration en progestérone reste très élevée pendant cette période, et ce, que la chienne soit gestante ou non. C’est une particularité de la chienne, qui explique que beaucoup font des lactations de pseudo-gestation (dans le langage courant, on parle aussi de grossesses nerveuses), avec mamelles qui gonflent et production de lait (photo ci-dessous) : un article de ce site est consacré à ce sujet.

Lactation de pseudo-gestation chez cette petite chienne : les mamelles sont gonflées ; on voit une goutte de lait sortir d’une tétine (flèche du haut), et un écoulement de lait a laissé une traînée sur les poils de la cuisse gauche (flèche du bas).
- L’anœstrus dure environ 4 à 5 mois (pour les chiennes qui ont un cycle « normal » de 6-7 mois). L’appareil génital est au repos, la progestérone reste basale, ainsi que les œstrogènes.
- En cas de gestation, la persistance, à un taux élevé, de la progestérone sécrétée par le corps jaune, puis par le placenta, assure le maintien de la gestation. Celle-ci dure entre 62 et 64 jours, à partir de la date de l’ovulation. 24 à 36 heures avant la mise bas, les foetus libèrent des corticoïdes qui conduisent à la lyse de ce corps jaune et donc à une chute brutale de la progestéronémie.
Le dosage de la progestérone
Les cliniques de Villevieille et de Calvisson disposent d’un analyseur CATALYST (photo ci-dessous) qui permet de doser sur place, et en quelques minutes, le taux de progestérone dans le sang d’une chienne. Pour les amateurs de biochimie et d’endocrinologie, le test Catalyst® Progesterone repose sur un dosage immuno-enzymatique optimisé pour mesurer l’antigène de la progestérone canine. Le test peut être réalisé sur plasma, sérum ou sang total hépariné. Il a démontré une très forte corrélation avec la méthode considérée comme le Gold Standard : la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse. Ouf, on arrête là pour les détails techniques !
Il est évident que pouvoir réaliser ce test « au chevet de la patiente » et obtenir un résultat en quelques minutes, présente un intérêt certain lorsqu’il s’agit de prendre une décision rapide : par exemple, déterminer le meilleur moment pour une saillie, ou programmer une césarienne (voir le paragraphe suivant, sur les intérêts du dosage de la progestérone). Lorsqu’il fallait envoyer le sang par la poste, à un laboratoire, et attendre plusieurs jours l’arrivée du résultat… il est certain que c’était beaucoup moins pratique !

Intérêts du dosage de la progestérone
1 – Suivi des chaleurs, et détermination de la date d’ovulation :
Lorsqu’on se rapproche de l’ovulation, la progestérone augmente progressivement et atteint une valeur seuil assez constante d’une chienne à l’autre, indépendamment de la race ou du poids, ce qui permet de déterminer avec précision la date d’ovulation. Après l’ovulation, la progestérone continue d’augmenter mais c’est bon, on a notre date d’ovulation, c’est tout ce qu’on voulait savoir – du moins pour l’instant.
En réalisant des dosages de progestérone rapprochés, on va cibler au jour près la date d’ovulation. En pratique, une première visite est recommandée au 6ème ou 7ème jour des chaleurs : après un examen clinique complet, un frottis vaginal est réalisé afin de confirmer que l’on est bien en début d’oestrus et une première prise de sang est réalisée ; en fonction du résultat, on saura vous dire quand revenir pour le dosage suivant (entre 1 et 4 jours maximum). En utilisant cette méthode, 2 à 4 prises de sang sont généralement suffisantes pour déterminer le jour de l’ovulation. Quel intérêt, nous demanderez-vous ? La réponse est dans les paragraphes suivants.
Illustration avec Shelby, Bull terrier de 3,5 ans qui nous est présentée suite à l’échec de trois inséminations lors de ses précédentes chaleurs. Après exclusion d’un certain nombre de causes d’infertilité, (par imagerie, frottis vaginaux…), des dosages de progestérone sont réalisés pour déterminer la date d’ovulation. Le premier dosage, avec une progestérone déjà élevée (09/11/2024 : 4,7 ng/ml), est en faveur d’une ovulation le lendemain (10/11). Des inséminations sont donc réalisées les 11 et 12/11 (voir le paragraphe 3). Un second dosage de progestérone, effectué le 12/11, confirme que l’ovulation a bien eu lieu, avec un taux élevé (> 20 ng/ml). Des échographies réalisées trois semaines plus tard confirment une gestation avec cinq fœtus d’aspect normal. La chienne appartenant à une race à risque de dystocie, une césarienne est programmée au 61ème jour post-ovulation (voir le paragraphe 5) : celle-ci se déroule sans incident, tous les chiots étant récupérés vivants et en bonne santé !
2 – Déterminer la date de mise-bas, à partir de la date d’ovulation :
La date d’ovulation va nous permettre de prédire la date de mise-bas à 2 jours près puisqu’elle a lieu 61 à 63 jours post-ovulation.
Si nous n’avions connaissance que de la (ou des) date(s) de saillie, la date de mise-bas ne pourrait être déterminée qu’à 7 à 10 jours près ce qui est beaucoup moins précis, et peut être source d’anxiété pour les propriétaires ! En effet une chienne peut accepter un mâle alors qu’elle n’est pas prête et c’est la durée de vie des spermatozoïdes dans les voies génitales femelles qui va conditionner la réussite de la fécondation ; au contraire elle peut l’accepter tardivement alors que l’ovulation est bien antérieure à l’acceptation.
Photo ci-contre : Hello, nous dit ce petit chiot avec sa papatte ! Le reste est encore à l’intérieur, il n’y a plus qu’à attendre que ça sorte… ou pas ! (Voir le paragraphe n° 5).

3 – Déterminer le meilleur moment pour la saillie ou l’insémination, et augmenter ainsi fertilité et prolificité :
Lorsqu’on veut faire reproduire son chien avec la chienne des voisins parce qu’on les trouve mignons tous les deux et qu’on se dit que ça fera de jolis chiots… Si ça marche du premier coup, tant mieux, sinon ça marchera la prochaine fois et puis voilà. Mais quand on a une chienne de race, que les chiots vaudront une fortune et ont été réservés six mois à l’avance, et qu’on a fait venir pour cela un étalon de l’autre bout de la France, voire de l’étranger… Il vaut mieux ne pas se rater !
Or, bon nombre de saillies sans suivi de chaleurs n’aboutissent pas à une gestation car le mâle n’est pas présenté à la femelle au bon moment. Certains diront que « le mâle sait » mais non, il ne sait pas toujours, et cela peut aboutir à des échecs.

Youpi ! ça a marché ! Il y a plein de chiots dans le ventre de cette chienne…
Chez la chienne, lors de l’ovulation, l’ovocyte n’est pas encore fécondable : il ne le deviendra qu’au bout de 48 heures, et le restera seulement 48 à 72 heures, en moyenne. Cette particularité a toute son importance dans le suivi de chaleurs et le choix de la date de saillie. Sachant qu’il faut 24h aux spermatozoïdes pour atteindre leur but dans les voies génitales femelles, la saillie ou l’insémination devra donc être différée d’au moins 24h et répétée jusqu’à 72h maximum après l’ovulation.
4 – Déterminer quand même la date de mise-bas, même si on n’a pas fait de suivi de chaleurs :
En l’absence de suivi de chaleurs comme on l’a décrit plus haut, le dosage de la progestérone permet de prédire la date de la mise-bas, ce qui est toujours intéressant : si ça tombe un week-end où on avait prévu de partir faire une rando en demandant à Mamie si elle pouvait passer donner à manger à la chienne… on va peut-être rester à la maison, finalement.
Alors, cette prédiction, comment ça marche ? En fin de gestation, la synthèse de corticoïdes par les surrénales des foetus matures entraine la destruction des corps jaunes, et une chute du taux de progestérone… puisque ce sont les corps jaunes qui la fabriquent. Donc concrètement, tant que le taux de progestérone reste élevé, on peut se dire que la mise-bas n’est pas pour tout de suite – ce qui n’empêche pas de jeter un coup d’œil aux fœtus en échographie pour s’assurer qu’ils ont bonne mine, que leur cœur bat bien, etc. En revanche, si le taux de progestérone chute et qu’on n’observe pas de signe de déclenchement de mise-bas dans les 24 à 36 heures qui suivent… alors on pourra commencer à s’inquiéter et à envisager sérieusement une césarienne. A fortiori si l’observation des fœtus en échographie nous indique qu’ils n’ont pas l’air au top.
5 – Programmer une césarienne chez une chienne à risque de dystocie :
D’abord, une définition de la dystocie : il s’agit d’une difficulté à mettre bas, d’un défaut d’expulsion du fœtus hors de l’utérus. On estime qu’environ 5% des mise-bas chez la chienne sont dystociques.
Certaines dystocies sont imprévisibles : un chiot qui se présente mal, une chienne qui ne pousse pas quelle qu’en soit la raison… ça va se finir en césarienne, mais on ne le saura qu’au dernier moment. D’autres fois, en revanche, il est possible d’anticiper. Par exemple, certaines races sont prédisposées aux dystocies : bulldogs anglais et bouledogues français, (champions toutes catégories), boxers et autres races brachycéphales ; les chiennes de races naines, chihuahuas et Yorkshire terriers en tête ; ou encore les molossoïdes, comme les dogues de Bordeaux et les bull terriers. On pensera aussi aux chiennes qui ont eu une fracture du bassin et dont la filière pelvienne est rétrécie, ou encore, bien sûr, celles qui ont nécessité une césarienne lors de leur(s) précédente(s) mise-bas.

Bon, ben y’en avait, du monde ! Et ça s’est fini en césarienne, comme souvent chez les bulldogs anglais.
Chez ces chienne à risque, il peut être intéressant de programmer d’emblée la césarienne, plutôt que de devoir la décider à 2 heures du matin dans de mauvaises conditions, avec une chienne fatiguée après avoir poussé pendant des heures, et des chiots en souffrance. Connaître la date d’ovulation, comme on l’a vu plus haut, permettra en effet de programmer une césarienne dans de bonnes conditions, au 61ème ou 62ème jour post-ovulation.
Et si le suivi de chaleurs n’a pas été fait, on pourra toujours guetter la chute de progestérone annonciatrice du terme, et réaliser sans risque une césarienne, une fois cette chute observée.

On s’endort tranquille, et on se réveille avec trois nains qui piaillent non-stop en vous mordant les mamelles… avouez qu’il y a de quoi être ahurie ! Ici une petite chihuahua, autre race à risque de dystocie, qui émerge tout juste de son anesthésie, après une césarienne. Les couleurs « chaudes » de la photo sont dues à la lampe chauffante qui, comme son nom l’indique, réchauffe toute la petite famille.
6 – Déterminer le statut sexuel :
Une chienne trouvée, ou dont on ignore le passé, aura un taux de progestérone élevé pendant au moins deux mois par cycle (durant le metoestrus) si elle n’est pas stérilisée. Si la progestérone est basale, le couplage à une autre analyse (AMH) en laboratoire permettra de dire si cette chienne est stérilisée ou non.
Dans un contexte d’infertilité chez des chiennes présentant des chaleurs silencieuses, le suivi de la progestérone permettra de détecter ces chaleurs (cf article sur les causes d’infertilité).
